Pourquoi Bitcoin ne sera pas la seule crypto-monnaie


Les monnaies traditionnelles sont inadaptées aux usages d’aujourd’hui mais Bitcoin ne suffira pas à couvrir tous les besoins. Différents besoins et différents usages vont entraîner la généralisation de différentes crypto-monnaies.
L’internet d’aujourd’hui se caractérise par une multitude d’usages, en particulier une multitude de façons de communiquer, elles-mêmes rendues possibles par une multitude d’outils.
On réagit à l’actualité sur Twitter. On partage ses photos sur Instagram. On publie de très brèves vidéos sur Vine, des vidéos plus longues sur YouTube, des vidéos de toutes longueurs (mais salaces) sur YouPorn, et des flux vidéo live sur Meerkat. On cherche des plans cul éphémères sur Tinder, mais l’âme soeur sur OKCupid. On balance des liens sur Reddit, mais on stocke ceux qu’on veut conserver sur Evernote, et ceux qu’on veut mettre en valeur sur Paper. Presque tout cela pourrait se faire avec un outil unique, mais ce n’est pas le cas. A chaque type d’usage, ou même de micro-usage, correspond un outil dédié.
Et c’est encore plus vrai quand il s’agit de communication de personne à personne, désormais segmentée en usages correspondant aux caractéristiques de différentes communautés : on discute avec ses proches sur WhatsApp, avec sa famille sur Viber, avec des employeurs potentiels sur LinkedIn, avec des collègues de travail sur Slack, avec des inconnus rencontrés la veille sur Facebook…
L’email aurait pu être ce moyen de communication universel (et l’a été pendant un moment), mais il s’est vu complété par une multitude d’outils, de plate-formes et de protocoles, plébiscités par les internautes. Pour autant, l’email n’a pas disparu. Il demeure le moyen le plus simple pour initier un contact, vérifier son identité ou s’abonner à des newsletters. Mais il s’est avéré insuffisant pour traiter la multitude d’usages apparus ces dix dernières années sur Internet.
Je ne vois aucune raison qu’il n’en soit pas de même pour l’argent.

Rigidité et contraintes

Jusqu’à présent, disposer d’une monnaie unique pour tout faire, comme l’euro ou le dollar, s’est avéré pratique. Mais les contraintes inhérentes aux moyens de paiement et aux réseaux financiers actuels ont atteint leurs limites, tandis que de nouveaux usages sont apparus avec la démocratisation d’Internet.
Bien que la forme électronique de l’argent prédomine largement depuis plusieurs décennies, de nombreuses choses ne sont pas possibles avec l’argent sous sa forme présente, ou sont trop lourdes à mettre en oeuvre pour être pertinentes. Si vous venez d’ouvrir un blog, pourriez-vous facilement accepter les paiements par carte bleue pour y commercialiser ce que vous produisez ? Peut-on envoyer rapidement 100€ à quelqu’un dans un autre pays, sans payer des frais dissuasifs et sans sortir de chez soi ? Peut-on vendre quelque-chose d’une valeur de quelques centimes d’euros ?
Il me paraît d’ailleurs absurde, au fond, de penser qu’un seul type de monnaie puisse être adapté à des usages aussi distincts, et des contraintes par essence aussi différentes, que peuvent l’être l’achat d’un appartement à un million d’euros ou d’un morceau de musique sur Internet à 0,29€.
A cela s’ajoutent des usages qui ne sont pas actuellement possibles avec les monnaies traditionnelles. Encourager un internaute inconnu par quelques centimes sous la forme d’un pourboire envoyé instantanément via Twitter, acheter un livre à 5 euros directement auprès de son auteur (et de façon sécurisée pour les deux parties), jouer sur un site en ligne sans avoir à fournir d’innombrables données personnelles, ou envoyer de l’argent électronique à une personne non bancarisée… rien de cela n’est possible avec l’Euro ou le Dollar, ni avec aucun des moyens de paiement existants, pourtant réputés universels, disponibles pour ces monnaies.
Et cela est encore amplifié par les multiples jardins clos, bâtis par les grandes entreprises qui gouvernent désormais l’Internet mondial. Il y a quelques jours, je découvrais par exemple qu’il est impossible en habitant à Malte (un pays d’Europe, à deux heures d’avion de la France) d’acheter de la musique sur iTunes pour l’offrir à quelqu’un habitant en France. Incroyable (et déplaisante) expérience de se trouver bêtement, sa carte bleue en main, devant la plus grosse boutique de vente de musique au monde pour s’entendre dire qu’il est impossible d’en acheter. Sauf à disposer d’un titre de paiement et d’une adresse postale dans chaque pays destinataire, vous ne pouvez pas offrir des chansons à vos proches s’ils n’habitent pas au même endroit que vous. Absurde – et en rupture totale avec les usages d’aujourd’hui.
Les monopoles bancaires, corporatistes et étatiques ont jusqu’à présent empêché la libéralisation de l’argent, canalisant sa circulation dans des tuyaux étroits et selon des procédures aussi centralisées que rigides.
Les crypto-monnaies vont faire voler tout cela en éclats – et on ne peut que s’en réjouir.

Un usage, une monnaie

Il me paraît clair que beaucoup d’utilisateurs en ont assez de ces murs, de ces lourdeurs administratives et bancaires, de ces contraintes liberticides et si peu respectueuses de nos vies privées et de nos données personnelles. On l’oublie souvent, à quelques exceptions près, l’immense majorité des crypto-monnaies, à commencer par Bitcoin, ont été créées par des individus et non des entreprises. Ce sont bien les utilisateurs d’Internet qui, ce faisant, réclament la mise en place de nouveaux outils, mieux adaptés à leurs besoins que ne le sont les outils traditionnels.
Bitcoin résout beaucoup de problèmes. Il supprime les intermédiaires inutiles (et les frais afférents), assure la séparation entre argent et identité personnelle (sans être toutefois 100% anonyme) et réorganise la circulation de monnaie et les flux financiers (en s’affranchissant de toute centralisation). Mais, pour puissant et versatile qu’il soit, Bitcoin ne permet pas de tout faire et, par construction, certaines de ses caractéristiques l’empêcheront de se généraliser pour certains usages. En particulier, le temps de confirmation des transactions Bitcoin (quelques minutes) empêche son utilisation dans des cas où la transaction se doit d’être quasi immédiate (quelques secondes), à un péage d’autoroute par exemple.
La démocratisation du principe de monnaies électronique va faire émerger plusieurs monnaies alternatives, qui seront chacune bien adaptées à des usages précis. Ces « altcoins » ont d’ailleurs aussi pour avantage d’apporter des solutions à quelques-unes des limites de Bitcoin.
Il est donc probable que s’imposeront des monnaies propres à différents types d’usage. On aura des crypto-monnaies dévolues aux usages sociaux, pour s’envoyer de tous petits montants entre internautes. Une ou plusieurs autres monnaies serviront uniquement à effectuer des achats de façon purement anonyme. Certaines monnaies seront plébiscitées par les joueurs en ligne, tant à l’intérieur de jeux existants (récompenses, achats de goodies, add-ons…) que comme moyen d’échanges entre joueurs issus de communautés distinctes. Il est même probable que certaines monnaies s’imposeront sur des niches spécifiques, à l’instar de PotCoin, uniquement utilisé par les consommateurs de cannabis à usage médical.
Pour la même raison que j’utilise l’email pour communiquer avec mes relations professionnelles, Skype pour échanger avec les membres de ma famille, Facebook pour m’adresser à mes amis ou connaissances locales, Twitter pour suivre l’actualité et partager ce qui m’y semble intéressant, et une dizaine d’autres outils sociaux et forums pour participer à des communautés plus spécifiques, j’utilise déjà différentes monnaies en fonction de mes différents besoins. Pour mes achats en ligne, j’essaie quand c’est possible d’utiliser Bitcoin. Pour un usage plus social, j’ai pour l’instant choisi Reddcoin, que j’utilise quotidiennement pour envoyer ou recevoir de minuscules montants, échangés avec d’autres internautes. Et pour des placements ou investissements à plus long terme, je m’appuie sur NXT.
Bitcoin sera à la monnaie de demain ce que l’email est à l’Internet d’aujourd’hui. L’email est en quelque sorte la « couche de base » de la communication électronique, complétée par une multitude d’autres outils dédiés à différents types de communication. Bitcoin sera un moyen universel pour payer, acheter et échanger de l’argent, qui conviendra bien dans 75% des cas. Mais, en complément, se développeront d’autres solutions, portées par d’autres crypto-monnaies, mieux adaptées que Bitcoin à des cas et besoins spécifiques.
Bitcoin et les crypto-monnaies alternatives ne vont pas remplacer les monnaies traditionnelles, mais vont s’y surimposer, multipliant les possibilités à l’infini. L’ère de la monnaie unique est révolue. L’argent devient multiple et pluriel, comme le sont les internautes, leurs besoins et leurs usages.

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